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souffrit abominablement toute sa vie ; voilà tout. Nous n’irons pas nous en prévaloir contre elle ni en prendre sujet de la mépriser. Mais, mieux avertis, nous lirons mieux ses Élégies, et, sachant quelle triste réalité y est pleurée et que ce ne sont point là souffrances en idée ni sanglots de rêve, « nous irons de confiance », si je puis dire, et nous compatirons avec plus de sécurité aux beaux désespoirs de notre Sapho bourgeoise.

Donc Marceline Desbordes avait vingt-deux ans. Elle était comédienne et chanteuse au théâtre Feydeau ; et c’est une profession qui met peu de garde-fous autour des jeunes personnes. Elle avait été sage jusque-là, mais aussi déjà très malheureuse, comme elle fut toute sa vie. Elle était follement sensible ; elle avait un grand besoin d’être aimée, — et elle faisait des vers. Elle eut le malheur de tomber sur un homme « distingué. » Cela commença par un commerce de poésies et une amitié « littéraire. » Marceline se défendit un assez long temps. Elle était infiniment romanesque et dut faire beaucoup de cérémonies. Puis, un jour, elle céda. Son séducteur paraît l’avoir lâchée dès qu’il sut qu’elle allait être mère…

Quel était cet inconnu ? L’éditeur de la Correspondance intime, M. Benjamin Rivière, ne le dit pas, et l’ignore peut-être. Mais M. Auguste Lacaussade, dans l’édition elzévirienne des Œuvres de Marceline, semble en savoir plus long qu’il n’en dit.