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et dont les discours — déjà très substantiels pourtant — plaisaient comme de jolies conférences. Sa parole semblait presque trop « élégante », et sa diction apprêtée comme celle d’un clubman qui aurait reçu les leçons d’un sociétaire de la Comédie-Française. Mais, dès ce temps-là, j’avais confiance dans la netteté des traits de son visage ; dans sa mâchoire, qui est robuste ; dans le timbre si franc de son rire, et enfin, dans un certain regard, qui n’était pas d’un faible ou d’un efféminé.

J’avais raison. Le Deschanel politique a fini par tuer la légende du Deschanel mondain, ce qui n’était pas commode. J’ai remarqué que nul ne songeait plus, l’autre jour, à lui reprocher le soin légitime qu’il prend de son vêtement ou de ses cheveux, ni les « succès de salon » qu’il a pu rencontrer quand il était très jeune. — À mesure que sa pensée mûrissait, sa manière oratoire s’est simplifiée. Son dernier discours est admirable d’ordonnance serrée et lucide. Il a eu, à diverses reprises, de la cordialité dans le ton, et presque de la bonhomie. Sans doute, dans les passages proprement « éloquents », j’ai cru retrouver quelque reste d’artifice quand il y parlait au nom du sentiment ; et j’eusse aimé mieux (quoique le morceau ait été acclamé) qu’il évoquât les « chers paysans de France » autrement que par prosopopée. Mais dans les endroits, plus nombreux, où il parlait au nom de la raison, il a montré une puissance que ses