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À cause de cela, et parce qu’il me semble avoir plus d’imagination et plus de sensibilité feinte ou vraie que de précision dans les idées ou de force dans le raisonnement, M. Jaurès ne serait peut-être pas mal nommé le Père Hyacinthe du socialisme.

Sa sincérité, quant au fond de ses doctrines, me paraît aussi incontestable que son manque de rigueur lorsqu’il s’agit de les exposer, et que les défaillances de sa probité intellectuelle lorsqu’il s’agit de les propager ou de les défendre. C’est que chez lui, et pareillement chez les meilleurs de ses compagnons, le socialisme est sans doute, avant tout, un état sentimental. Cela les rend dupes, j’imagine, d’une espèce d’illusion de la conscience. Comme ils sont toujours assurés de ce qu’il y a de généreux dans cet état sentimental et qu’ils s’en savent bon gré, volontiers ils se croient dispensés d’être précis dans le discours et scrupuleux dans l’action. Ils vont jusqu’à croire que la facile magnanimité de leur rêve les autorise à courir la chance des pires calamités publiques pour l’établissement aléatoire d’un régime social qu’ils sont même incapables de définir avec exactitude. Ils ont, dans la pratique, un peu de cette absence de scrupules qui est propre aux sectaires religieux.

Le socialisme, d’ailleurs, prête à l’éloquence. Et, comme il est encore dans la période de destruction (dont il est douteux qu’il sorte jamais), il a donc la partie belle, car c’est une ivresse de détruire, et