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sence. Il fit tout son devoir, — précisément parce que c’était très difficile.

Cet orgueil s’amollit, se transforme en douceur pour la petite cousine. Il y a, dans le sentiment qu’elle lui inspire, de la tendresse, de l’amusement à regarder s’agiter une jolie forme, de la pitié et un imperceptible dédain. Il lui donne de bons conseils, qu’il sait qu’elle ne suivra pas. Il lui reproche paternellement ses lettres trop courtes et ses trop rares visites ; et cependant il sait qu’elle ne peut lui donner que cela : un plaisir d’ « apparition », le plaisir de la voir de temps en temps vivre sa vie gracieuse et inutile. Il l’aime un peu (quoique avec moins de gravité) comme il aime l’Éva de la Maison du Berger : pour se reposer de la contemplation des choses insensibles et immuables dans celle d’une créature éphémère, plus séduisante d’être fugitive, — et souffrante aussi, quoique frivole…

Tout de même, elle est bien étourdie, la petite cousine, bien inattentive au mal de son ami. Une fois, quelques mois avant sa mort, il s’en plaint : « Si j’ai gardé le silence après votre dernière lettre, c’est qu’il y a un si cruel contraste entre mes souffrances de l’âme et du corps et la légèreté cavalière de vos lettres, que je ne pouvais me décider à vous empêcher de jouir en paix de votre vie évaporée. Tous vos bals n’étaient pas dansés encore, je crois, et, quoi que vous en disiez, vous n’y preniez point de peine ». À mesure qu’il souffre davantage et