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les plus beaux symboles et les mythes les plus émouvants, et fondre de telle sorte la pensée et l’image que les objets sensibles sont, chez lui, tout imprégnés d’âme, que la forme précise et rare y est suggestive de rêves infinis, et que ses vers, signifiant toujours au delà de ce qu’ils expriment, retentissent en nous longuement et délicieusement, y parachèvent leur sens et s’y égrènent en échos lents à mourir… Et c’est, comme vous savez, une poésie de cette espèce, plus libre seulement et plus fluide, mais pareillement évocatrice, que poursuivent les derniers venus de nos joueurs de flûte.

Or, nous sommes encore plus sûrs que ce grand poète fut aussi un héros, depuis que nous avons lu ses lettres intimes à sa petite parente.

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« Intimes », oui, puisqu’il y découvre ou y laisse apercevoir souvent le fond même de sa pensée sur la vie. Familières, non pas. Vigny ne sait pas, ou ne veut pas être familier. Mais, justement, il est remarquable que ces lettres, adressées à une jeune cousine, d’humeur frivole, à ce qu’il semble, continuent, sous leur simplicité relative et leur demi-abandon, l’attitude morale qu’exprimaient Moïse, la Colère de Samson, le Christ aux Oliviers et la Maison du Berger, et attestent à la fois la sincérité et la profondeur de son pessimisme et l’efficacité merveilleuse de son orgueil.