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de la nature, les snobs de Rousseau et de Bernardin de Saint-Pierre. Les bergeries de Trianon furent les jeux du snobisme charmant d’une reine. Les snobs de l’optimisme firent la Terreur. Si je nomme encore les snobs du romantisme et ceux du réalisme, et ceux du positivisme, nous aurons rejoint les snobs des vingt dernières années, que j’énumérais en commençant. Ainsi le snobisme, parallèlement à la série des écrivains novateurs, forme tout le long de notre histoire littéraire une chaîne ininterrompue.

Qu’est-ce à dire ? C’est que les snobs jouent un rôle aveugle, mais parfois efficace, dans le développement de la littérature. Ils se trompent sans doute dans l’opinion qu’ils ont d’eux-mêmes et dans les raisons qu’ils se donnent de leurs préférences, mais non toujours dans ces préférences mêmes. Comme ils courent indifféremment à tout ce qui affecte un air d’originalité, ils s’attachent le plus souvent à des modes ridicules et qui passent ; mais il est inévitable qu’ils s’attachent aussi quelquefois à des nouveautés qui demeurent ; et leur concours, alors, n’est point négligeable. Ils ne sauraient soutenir longtemps le faux et le fragile et ce qui n’a pas en soi de quoi durer : mais leur zèle, quoique ignorant, peut hâter le triomphe de ce qui est appelé à vivre. Leurs erreurs ne sont jamais de longue conséquence, mais le bruit qu’ils font peut servir quand, d’aventure, ils ne se sont pas trompés. Ils ont donc, à l’occurrence, leur utilité sociale. Il faut, à cause de cela,