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sous Metz. Et après Sadowa, il avait conseillé de préparer la guerre, à toute occurrence. — Pendant que son fils Albert, âme héroïque de l’aveu de tous ceux qui l’ont connu, partait avec les turcos pour être des premiers à la frontière, M. Duruy, à soixante ans, réclamait une place dans la garde nationale.

Tels ces citoyens de foi opiniâtre qui après Cannes, refusèrent de désespérer de Rome (car cette vie d’un bon Français éveille aisément des souvenirs romains), ou tel Condorcet, traqué, écrivant son Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, — ainsi, une nuit du tragique hiver, dans sa casemate, Victor Duruy crayonna pour lui-même, sur un carnet, cette profession de foi, admirable en cet excès de détresse : « À cette heure funèbre, quelle est ma foi et mon espérance ?… La France peut succomber momentanément sous l’effort d’ennemis qui, depuis cinquante ans, se sont si bien préparés à l’assaillir. Elle se relèvera si elle reconnaît bien le grand courant du monde, et si elle s’y plonge et s’y précipite… L’humanité, comme Dieu même, n’a que des idées fort simples et en petit nombre, qu’elle combine de diverses manières… » Il marquait alors la suite historique de ces combinaisons et il admirait ce long effort « logique » pour affranchir « le fils du père, le client du patron, le serf du seigneur, l’esclave du maître, le sujet du prince, le penseur du prêtre, l’homme de sa crédulité et de ses passions », pour mettre « légalité dans la loi, la liberté dans les ins-