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saire au bonheur universel. Lui si doux, il absout dans les âges écoulés la répression de l’hérésie, surtout parce que l’hérésie lui paraît attentatoire à cette indispensable unité. Il oublie ou méconnaît les brutalités, les cruautés, les vices, l’affreuse misère ; il oublie que les hommes, même alors, ne furent que des hommes.

Et c’est du même regard visionnaire qu’il considère l’avenir. Évidemment, si tous les pauvres et si tous les riches étaient de vrais chrétiens, la question sociale serait résolue du coup, et toutes les autres pareillement. Il n’y faudrait que deux petites conditions : il faudrait que tous les hommes, dans l’univers entier, eussent la foi ; et il faudrait que la foi communiquât forcément aux croyants la vertu et la bonté.

Ce poète est donc plein d’illusions, et, parfois, d’illusions « à rebours ». S’il doit à l’intransigeance même de sa foi des vues profondes sur l’histoire contemporaine et des clairvoyances terribles sur les personnes, il lui arrive aussi de se tromper fâcheusement sur elles, de nous surfaire leur perversité, et de perdre, pour ainsi parler, la notion du vrai humain. Il a eu, souvent, de la peine à comprendre que l’on pût ne pas croire au surnaturel, et à son surnaturel à lui, sans être un démon d’orgueil ou d’impureté. S’il avait vécu assez longtemps pour qu’un peu de ma prose parvînt jusqu’à lui, j’aurais voulu, après quelque article où il