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calotte, et vous préférerez sans doute ce doux entremetteur d’abbé Constantin. Je ne vous signalerai donc plus que les vifs croquis des notables de Chignac, tracés, je l’avoue, du temps de Paul de Kock, mais vingt ans avant Madame Bovary. Et enfin, il y a Veuillot lui-même, « le petit journaliste », que je vous ai présenté au commencement de cette étude.

Veuillot s’exprime modestement sur l’Honnête Femme :

Oeuvre d’un jeune homme, d’un converti… ce livre appartient pleinement à la classe des fruits verts. Il est gauche, prêcheur, rigoriste, involontairement entaché d’imitation…

Oui ; et, avec cela, qu’il est curieux !

Mais le chef-d’œuvre, la merveille des merveilles, ce sont les quarante premières pages de Çà et là. C’est l’histoire tout unie d’un mariage chrétien. Idylle franchement pieuse, effrontément édifiante, et exquise cependant. Un jeune homme est présenté par un bon prêtre chez de bonnes gens qui ont une fille à marier. Elle est bonne, timide, pudique ; il est bon, sérieux, un peu inquiet. Il hésite, fait sa demande, est agréé. Rien d’extraordinaire, sinon la rencontre de la sévérité du fond et de la grâce infinie de la forme. Il s’en dégage une conception très belle, — puisque c’est la conception chrétienne, — de l’amour et du mariage, et cette idée que l’amour n’est pas du tout la passion, et cette autre idée que le mariage ne diffère pas essentiellement d’une « prise d’habit » à