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verbes, ou de « vers dorés ». Que dites-vous de ceux-ci (À un jeune homme) :

  Prends garde, en les aimant, d’aimer l’amour des hommes :
  Combats en pardonnant, mais toutefois combats.

En somme, exception faite pour trois ou quatre pièces (la Pâle jeune Veuve…, J’ai passé quarante ans…, le Cyprès, et l’admirable Épitaphe), c’est plutôt dans sa prose que Veuillot est proprement poète, souvent grand poète. Il est remarquable qu’une de ses meilleures pages en vers soit celle où il définit la prose, page succulente et que Sainte-Beuve prisait si haut :

 Ô prose ! mâle outil et bons aux fortes mains !…

Ajoutez que Veuillot ne s’en faisait pas accroire. Il parle de sa manie rimante avec un mélange de modestie à demi sincère et d’inquiétude tout à fait plaisante et « gentille ».

Romancier, il était fort empêché et se chargeait lui-même de prohibitions et de chaînes. D’abord, il n’avait aucune illusion sur l’amour. « Tout ce que j’ai pu observer de cette fameuse passion de l’amour, tant célébrée, me persuade que sa forme la plus fréquente et la plus saisissable est la jalousie… L’amour est, au fond, un très vif sentiment d’adoration pour soi-même… » Il croyait d’autre part que, si on lisait moins de romans, il y aurait, heureusement, moins d’amoureux. Mais au reste il savait le pouvoir conta-