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naître, sinon la vérité de la doctrine catholique, du moins le caractère vénérable et bienfaisant de cette doctrine et de lui assurer le respect public. Mais songez que ce traitement spécial, — au cas où il vous plairait d’y voir une atteinte indirecte à la liberté de conscience, — c’est dans un projet tout idéal que Veuillot le sollicite. Ne nous hâtons donc point de crier à la tyrannie cléricale.

Oh ! je connais bien le fond de sa pensée, et je sais que, dans son Icarie, le citoyen serait moins « libre » que l’Église ; je veux dire qu’il n’aurait la pleine liberté ni de l’« immoralité » ni de l’« impiété » publique. Je n’ignore pas que, si Louis Veuillot eût vécu quelques années de plus, certaines pages qu’il m’est arrivé d’écrire eussent pu, encore qu’assez innocentes, exciter son indignation. Il m’eût maltraité, comme tant d’autres, moi qui l’aime tant (et je sens que je ne lui en aurais pas voulu). Les lois de sa république ne nous permettraient pas d’écrire tout ce que nous voulons et nous retrancheraient, par conséquent, un de nos plus chers plaisirs. Et cependant, quand j’y réfléchis, je soupçonne que ce n’est pas peut-être ce qu’il y a de meilleur en moi qui serait gêné par ces prohibitions. Et puis, par un sentiment que je conçois mal, j’ai toujours été tenté d’accorder sur moi, à ceux dont la foi est absolue, des droits que je ne me reconnais pas sur eux. À condition, bien entendu, qu’ils me laissent penser et parler à ma guise dans mon privé. Heureusement, d’ail-