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et leurs habiletés de politiques. Il demandait, lui, tout ou rien. Après le coup d’État, il est contre eux, et pour l’Empire, en homme aux yeux de qui l’intervention directe de la Providence dans les événements de ce monde est une réalité vivante. Il est contre eux dans la question de l’infaillibilité du pape. Et là encore je ne saurais dire à quel point, comme catholique, il me paraît être dans le vrai. Les autres étaient si entêtés du régime parlementaire, qu’ils le voulaient même dans l’Église ; préoccupés d’ailleurs de « garder une mesure », de demeurer des « hommes d’aujourd’hui » jusque dans leur croyance. S’ils avaient osé, ils eussent confessé que l’infaillibilité du pape offusquait leur raison. Que l’instinct de Veuillot était plus sûr ! Il sentait que le dogme de l’infaillibilité aurait pour effet de grandir la situation morale du pontife, de le mettre décidément au-dessus des souverains, de lui rendre quelque chose de son rôle d’autrefois, de son rôle d’arbitre suprême entre les rois et les peuples ; que ce dogme, qui semblait aux « libéraux » rétrograde et gothique, ouvrirait à la papauté une ère de rajeunissement et de puissance renouvelée.

Cela contentait en même temps, chez Veuillot, ce besoin de certitude qui était sa maladie, en concentrant dans un seul homme le phénomène de la Révélation continue ; et cela satisfaisait aussi ses instincts de démocratie spirituelle : il pensait que rapprocher le pape de Dieu, c’était le rendre au peuple. Nous