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quand ce sont des frères égarés que l’on combat, le prix tout particulier qu’on attache à la victoire ne permet plus, en conscience, de prendre aucun repos ni d’observer aucun ménagement.

Mais j’ai tort de railler. Dans cette longue et douloureuse bataille, — plus quam civilia bella, — il me semble bien que c’est Veuillot, en principe, qui a raison. Pour lui, être catholique, c’est l’être à toutes les minutes de sa vie et dans toutes ses démarches sans exception. La foi n’est pas faite pour nous servir de règle uniquement dans la conduite privée : nul ordre d’action ne demeure en dehors d’elle. Comme elle est à l’homme une explication totale des choses et de lui-même, elle doit le prendre et le gouverner tout entier. Certes il est permis à un bon catholique et il lui est même recommandé d’être, s’il peut, un bon politique, de se servir avec habileté des circonstances, voire de s’y plier dans l’intérêt de sa foi, mais à une condition : c’est qu’il ne paraisse jamais réduire ou limiter le domaine où cette foi doit s’exercer et qui est, par définition, universel, ni faire à ses adversaires l’abandon de ses propres principes et se diriger d’après les leurs. L’Église étant, aux yeux de Veuillot, la vérité et, par suite, l’empire du monde lui appartenant, l’esprit laïque, c’est-à-dire l’esprit libéral, qui se défie d’elle et qui prétend la cantonner dans le secret des temples ou du foyer domestique, apparaît nécessairement à Veuillot comme l’esprit d’erreur.