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ou les conclusions. Veuillot n’a guère moins lutté contre le socialisme, sous toutes ses formes, que contre ce qui s’est appelé le libéralisme bourgeois et qu’on nomme aujourd’hui le radicalisme. Au fond, c’est à une conception toute matérialiste de la société que tend la bourgeoisie incrédule. Or, cette conception est grosse de conséquences. Pour servir ses ambitions, la bourgeoisie a ôté Dieu du cœur des souffrants ; puis elle s’étonne qu’un jour les souffrants se révoltent contre elle. Et pourtant les révolutionnaires inassouvis et furieux sont bien les fils des révolutionnaires repus, devenus conservateurs de leur situation acquise et défenseurs de l’ordre en tant qu’ils en bénéficient. Le dernier mot de la politique sans Dieu, c’est le déchaînement de la brute qui a faim, et qui veut jouir, et qui ne sait pas autre chose. Le bourgeois libre penseur engendre le nihiliste qui le mangera. En vain le bourgeois opposera « les lois universelles imposées à l’humanité… la morale que la nature nous a mise dans le coeur… le bon sens, la nécessité de la résignation provisoire, la patrie, etc. ». Que pèsent ces mots pour qui ne croit plus qu’aux besoins de son ventre et aux joies de sa haine ?

Cela est développé, avec la plus sombre éloquence, dans cet admirable dialogue : l’Esclave Vindex. Et certes je ne dis point que Veuillot soit avec Vindex, le gueux révolté qui va jusqu’au bout de sa pensée, contre Spartacus, le « radical » bien mis, qui a du