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vous n’entendez pas, et vous vous empoisonnez avec des sucs divins. » Il cite alors à Coquelet un étonnant passage de saint Jean Damascène, et il ajoute : « Quand vous voudrez du panthéisme que vous puissiez comprendre, vous savez où il faut vous adresser. » Et je ne saurais vous dire si l’union de Dieu et de l’humanité dans l’Église est en effet un panthéisme plus facile à « comprendre » que l’autre : mais c’en est un ; et c’est de ce vin que les mystiques ont été ivres. Et, de même, la théorie de la réversibilité des mérites, ce n’est autre chose, après tout, que du communisme, le communisme des âmes, et c’est encore où Veuillot trouve de quoi contenter ce sentiment et cet amour de la solidarité humaine qu’il avait au plus haut point. Car sans doute il se peut que cette théorie des Indulgences heurte la conception de la justice qui a prévalu dans la Révolution et dans la philosophie moderne, et que la mise en commun des mérites et des grâces soit traitée avec dérision par ceux mêmes qui appellent la mise en commun des biens matériels : mais les philosophes qui, comme Proudhon, voient dans le catholicisme la religion de l’injustice, ne prennent pas garde que l’injustice disparaît par le seul fait du consentement et du sacrifice volontaire de ceux qui ont mérité davantage en faveur de ceux qui ont moins mérité ; qu’ainsi c’est l’amour et le renoncement du fidèle qui crée la justice de son Dieu, et que, si la matière, ici, est obscure, la pensée est belle et toute formée de charité.