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donc, soyons bons. » Et les incroyants : « Puisque nous ne savons rien, puisque nous n’avons rien à attendre ni à espérer, puisque nous n’apparaissons un instant sur la surface d’une des plus petites planètes du système solaire que pour rentrer aussitôt dans l’éternelle nuit, arrangeons-nous pour que ce passage ne nous soit pas trop douloureux, ou pour qu’il ne le soit qu’au plus petit nombre possible d’entre nous. Supportons-nous et aidons-nous mutuellement. Soyons bons. » S’ils n’ont pas tous le crâne, les braves gens ont tous le cœur fait de même et arrivent, sur l’essentiel, aux mêmes conclusions. Pascal dit : « Le cœur aime l’être universel naturellement, et soi-même naturellement, selon qu’il s’y adonne ; et il se durcit contre l’un ou l’autre, à son choix. » Adonnons-nous à « aimer l’être universel », et refusons de nous « durcir » contre lui. Cet effort, de l’aveu même de Pascal, qui n’est pas suspect, est dans la nature et selon la nature.

Je termine cette homélie. Je vous supplie, mes chers camarades, de ne pas la juger émolliente. La tolérance que j’ai louée n’est point l’indifférence, ni le dilettantisme, ni la paresse. Au contraire. Elle exige un grand effort, une perpétuelle surveillance de soi. Elle s’allie très bien avec les convictions fortes, et c’est parce qu’elle en connaît le prix qu’elle ne consent point à les haïr chez les autres. Elle implique le respect de la personne