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ne se hâtent pas trop de traiter d’imbéciles ou de malfaiteurs littéraires ceux qui en ont quarante ou un peu plus. Ils reconnaîtront un jour qu’ils exagéraient. L’an dernier, à cette même place, M. Émile Zola s’accusait, avec sa puissante bonhomie, d’avoir été autrefois un « sectaire ». Les jeunes gens doivent songer qu’ils seront probablement traités par leurs cadets comme ils traitent aujourd’hui leurs aînés : c’est presque une loi, une condition du progrès, chose oscillatoire, que les générations s’opposent entre elles en se succédant.

Mais nous aussi, les vieux, soyons tolérants pour les jeunes. Reconnaissons ce qu’il peut y avoir de générosité et de désintéressement dans leurs intransigeances. Craignons qu’une certaine paresse d’esprit ou la peur d’être dupes ne nous rende aveugles ou étroits. Oui, il est vrai que les jeunes gens découvrent des choses depuis longtemps découvertes ; que ce qui a paru le plus neuf dans l’anarchie littéraire des dix dernières années, cet idéalisme, ce symbolisme, ce mysticisme, cet évangélisme, et ce qu’on aime dans Tolstoï et Ibsen et ce qu’on leur emprunte, tout cela ressemble fort à ce qu’on a vu chez nous il y a cinquante ou soixante ans et que, par conséquent, les jeunes sont moins jeunes qu’ils ne disent. Oui, il est vrai que tout recommence. Mais il est vrai aussi que rien ne recommence de la même façon et que tout se renouvelle en recommençant. Confessons, nous, les aînés, que ce néo-romantisme