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votre âme pour l’ausculter. Et des journaux donnent le bulletin de l’état d’âme de la jeunesse française, comme ils donneraient, sous une monarchie, le bulletin de la santé de l’héritier présomptif.

C’est pourquoi je suis très impressionné. Je me dis que les choses en sont au point qu’il n’est plus permis de prendre la parole ici sans remuer les plus hautes questions. Or, les gens qui lisent mal m’ont accusé de ne pas savoir ce que je pense, même quand il s’agit d’un vaudeville. Jugez quand il s’agit de problèmes religieux, philosophiques, historiques, sociaux. Et puis j’ai relu les allocutions des hommes illustres qui m’ont précédé sur cette chaise d’honneur, et que pourrais-je bien vous dire après eux ? Enfin, quand je saurais (et je le sais peut-être) ce que je pense sur les sujets les plus importants, j’aurais encore la crainte de ne pas m’y rencontrer pleinement avec vous tous et, d’aventure, de déplaire à une partie de mes hôtes, ce qui serait mal.

Mais cette crainte même va me servir. Je fais réflexion qu’elle est vaine ; que je dois compter non seulement sur une sympathie dont vous m’avez donné la meilleure preuve en m’invitant à vous présider, mais sur quelque chose de plus extraordinaire encore : sur votre tolérance. Et ainsi je suis conduit à vous recommander cette vertu discrète et admirable.

Célébrer la tolérance, oui, c’est depuis cent cin-