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déloyal d’afficher certaines idées extrêmes et simplistes qui, si l’on en était réellement pénétré, devraient se traduire par des sacrifices et des renoncements dont on est évidemment incapable. Vous haïrez l’hypocrisie. Vous réfléchirez que pousser les malheureux à une révolte d’où ne peut sortir pour eux qu’une aggravation de souffrance, — et cela, pour arriver, vous, à la notoriété ou au pouvoir et, finalement, pour « jouir », — c’est vivre de leur substance, c’est s’engraisser de leur misère, sans rien risquer et en feignant de les servir, et qu’ainsi les exploiteurs peuvent se rencontrer ailleurs que dans les rangs des capitalistes. Pour tout dire, en un mot, humanisez vos professions, quelles qu’elles soient. Faites qu’entre vos mains elles soient toutes, et véritablement, libérales.

C’est votre devoir, et c’est votre intérêt. Vos professeurs de philosophie vous ont exposé la théorie selon laquelle la morale se confondrait avec l’intérêt bien entendu. Ils l’ont jugée imparfaite, mais ils ont dû ajouter que cette morale-là coïncide pourtant, sur bien des points, avec la morale du cœur. Il est excellent de croire le plus possible à ces coïncidences dans l’ordre social. Toutes les époques sont des époques de transition, je le sais ; d’autre part, M. Corréard vous rappelait que la France a connu des heures plus terribles que l’heure présente. Mais, tout de même, jamais moins qu’aujourd’hui on n’a été sûr de demain. Les cadres anciens sont brisés ;