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de La Bruyère, que « l’homme de lettres est trivial (vous savez dans quel sens il l’entend) comme la borne au coin des places » ; vous ne fermerez pas sur vous la porte de votre « tour d’ivoire », et vous songerez aussi que tout ce que vous exprimez, soit par des moyens plastiques, soit par le discours, a son retentissement, bon ou mauvais, chez d’autres hommes et que vous en êtes responsables. — Hommes de négoce ou de finance, vous serez exactement probes ; vous ne penserez pas qu’il y ait deux morales, ni qu’il vous soit permis de subordonner votre probité à des hasards, de jouer avec ce que vous n’avez pas, d’être honnête à pile ou face. — Industriels, vous pardonnerez beaucoup à l’aveuglement, aux illusions brutales des souffrants ; vous ne fuirez pas leur contact, vous les contraindrez de croire à votre bonne volonté, tant vos actes la feront éclater à leurs yeux ; vous vous résignerez à mettre trente ou quarante ans à faire fortune et à ne pas la faire si grosse : car c’est là qu’il en faudra venir. — Hommes politiques, j’allais dire que vous ferez à peu près le contraire de presque tous vos prédécesseurs, mais ce serait une épigramme trop aisée. Vous ne promettrez que ce que vous pourrez tenir. Vous ne monnayerez pas votre influence ; vous ne tirerez pas, avec âpreté, de votre mandat tous les profits, petits ou grands, qu’il comporte. Vous aurez pitié, mais vous ne vous ferez pas, de la pitié, une carrière. Vous aurez de la pudeur : vous vous direz qu’il est