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Oh ! cela est difficile, je le répète. Notre égoïsme trouve si bien son compte dans cette sorte d’émiettement social ! C’est si commode, de vivre dans son coin, pour soi et, tout au plus, pour les siens et pour deux ou trois amis, de se moquer du reste, de croire qu’on a fait tout son devoir de citoyen quand on a payé l’impôt, et tout son devoir d’homme quand on a lâché quelques aumônes prudentes, de pratiquer le dédaigneux odi profanum vulgus, d’être un spectateur détaché de la comédie ou de la tragédie humaine ! Remarquez que cette espèce d’épicuréisme abstentionniste est également l’idéal du bourgeois le plus épais et du dilettante le plus raffiné. Je voudrais, puisqu’ils se méprisent réciproquement, leur faire honte à tous deux de cette rencontre.

C’est là, mes amis, une basse et mauvaise façon de prendre la vie. Songeons sans cesse que, depuis que nous n’avons plus de devoirs de caste ou de corporation, notre devoir d’homme s’est accru d’autant. Combattons notre pente, qui est de nous dérober, de nous blottir dans une paix indifférente. Cherchons les occasions où beaucoup d’hommes assemblés sont animés à la fois d’une seule idée, et d’une idée salutaire pour tous. Même les associations professionnelles, les dîners de Labadens peuvent avoir du bon. Cherchons ce qui nous réunit, et cherchons à nous réunir. L’état d’âme que certains spectacles publics, une revue militaire, les