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surface brillante des choses, — croissaient, d’autre part, sa sollicitude et son goût pour les formes de vie et de sentiment qui dérivent des croyances religieuses. La piété de son imagination grandissait dans la même mesure que l’impiété de sa pensée. Thaïs est l’histoire d’une sainte ; la Rôtisserie est l’histoire d’un prêtre bohème, de conscience originale ; et l’amour de Thérèse et de Jacques est grand visiteur d’églises…

Rien de surprenant dans ces prédilections. Un bon nihiliste aime naturellement les saints ; car la foi religieuse implique une part de révolte contre la société terrestre, contre ses injustices et ses atroces ou ridicules conventions, et elle peut agréer par là aux plus audacieux esprits. D’ailleurs, par l’opinion qu’il a lui-même de ce monde, un bon nihiliste comprend aisément, — bien que, pour son compte, il s’en abstienne, — que l’homme place au delà de la terre sa raison de vivre et son « idéal ». Puis, c’est un phénomène connu, que les esprits très compliqués adorent souvent les âmes simples… Toutefois, cette préoccupation impie et affectueuse de la vie mystique commence à devenir singulière, chez M. France, par ses insistances et sa continuité. Car enfin Voltaire et les encyclopédistes ne l’ont jamais eue. M. France goûte pleinement le plaisir satanique de comprendre, de douter, de nier ; mais il semble qu’à chaque instant aussi il l’épuise, il en touche le néant… Je