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Est-ce que je m’en plains ? Est-ce que je fais des objections ? Mon Dieu, non ; je cause.

De même que ces mondains ont des fureurs de satyresse et de faune ; de même que ce faune et cette satyresse ont des esprits ingénieusement et constamment critiques, ainsi ces païens enragés ont des sensibilités et des mélancolies toutes pieuses. Leurs charnelles amours ont pour théâtre la ville par excellence des quattrocentistes et la bourgade d’élection du très pur saint François. C’est devant une fresque de Fra Angelico, où de pâles figures, de peu de matière, expriment l’amour divin, que Jacques et Thérèse se donnent leur premier et brûlant et pesant baiser…

L’image des choses mortes excite leur lugubre ardeur de vivre. Ou peut-être imaginent-ils une parenté sacrilège entre les désirs inapaisés des âmes saintes d’autrefois et l’inassouvissement de leurs propres corps. Ils se disent que, comme les compagnons de François, ils poursuivent eux aussi, mais sur terre et douloureusement, un infini de joie. Ils s’aiment plus voracement sur la cendre des morts, plus harmonieusement parmi les images fanées de la beauté parfaite, plus solennellement parmi les témoignages de l’éternelle et divine inquiétude des coeurs. Le passé et la religion leur sont assaisonnements de volupté.

Et je goûte, je l’avoue, la richesse de ces contrastes.