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antique instinct dont l’homme s’est fait un droit. L’homme est le dieu qui veut sa créature tout entière. Depuis des siècles immémoriaux la femme est faite au partage. C’est le passé, l’obscur passé qui détermine nos passions. Nous étions déjà si vieux quand nous sommes nés ! » etc… Ou bien : « Ah ! ce qui vit n’est que trop mystérieux… — Ne crains pas de te donner. Je te désirerai toujours, et je t’ignorerai toujours. Est-ce qu’on possède jamais ce qu’on aime ? », etc. Pensez-vous qu’un amant, même très lettré, ait jamais parlé ainsi à sa maîtresse ? — Et Thérèse à Le Ménil : « Méprisez-moi, si vous voulez, et si l’on peut mépriser une malheureuse créature qui est le jouet de la vie… Mais gardez-moi un peu d’amitié dans votre colère, un souvenir aigre et doux, comme ces temps d’automne où il y a du soleil et de la bise… Ne soyez pas dur à la visiteuse agréable et frivole qui passa à travers votre vie… », etc. Est-ce qu’une femme, même une spécialiste de dîners littéraires (et Thérèse n’est point cela), a jamais rencontré des paroles de cette moelle et de ce ton ? Les discours de Thérèse et de Jacques sont comme transposés. L’auteur nous les donne tels qu’ils se répercutent dans sa pensée, où ils s’éclaircissent et s’enrichissent à la fois. Il en écrit, avec force et avec grâce, la traduction philosophique. L’aventure du Lys rouge est dramatique à la façon, non d’une pièce de Dumas ou d’un roman de Maupassant, mais d’un chapitre de Schopenhauer…