Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/390

Cette page n’a pas encore été corrigée

Oreste philosophes à ce degré, ou dilettantes (car Dechartre est dilettante aussi, sur tout ce qui n’est point son amour). Et j’admets Montaigne ou la Rochefoucauld amoureux, et par suite un peu bêtes et souffrants et pleurants, mais non point mués, — tout en restant la Rochefoucauld ou Montaigne ! — en brutes mauvaises, torturées et torturantes. N’alléguez point que les personnages de Racine, par exemple, expriment en discours harmonieux et fins des passions sauvages d’êtres primitifs. Ils parlent sans doute avec élégance : mais, en somme, ils ont peu d’idées ; ce ne sont point des critiques ; leur culture philosophique est médiocre, et nulle part il n’apparaît qu’ils aient lu Darwin, Stendhal, Hartmann et Anatole France… Bref, la dualité de Jacques Dechartre me déconcerte. Mais c’est peut-être que je manque d’expérience.

Ce qui me met en garde, c’est qu’il me semble que Thérèse et Jacques vivent moins que les personnages épisodiques du roman, ils sont, en quelque manière, moins vivants que leurs actes. Je ne parviens pas à discerner nettement leurs figures. Cela vient peut-être de ce que l’auteur parle presque toujours pour eux. Écoutez Dechartre : « Une femme, dit-il à Thérèse, ne peut pas être jalouse de la même manière qu’un homme, ni sentir ce qui nous fait le plus souffrir… Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas dans le sang, dans la chair d’une femme, cette fureur absurde et généreuse de possession, cet