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qu’il redevient, lui aussi, pour elle : la créature naturelle et solitaire dont aucune protection ne garantit le bonheur, dont aucun édit ne saurait écarter le malheur. » Or, ni M. France, ni M. Hervieu ne nous dissimulent que l’amour sensuel est, en effet, le grand niveleur des conditions, et que, par lui, la femme du monde ou la grande dame a, comme les autres, ses heures simplement brutales et peut avoir même ses minutes « canailles ». Par-dessus George Sand et Octave Feuillet, ils renouent, — oh ! très librement et en y ajoutant combien ! — avec l’audacieux roman du dix-huitième siècle, celui de Crébillon fils, de Diderot et de Laclos.

Toutefois, — et c’est par où M. Hervieu semble rester plus près de la vérité commune, — Mme  de Trémeur et Le Hinglé n’étaient point des êtres exceptionnellement intelligents. Mais, — et c’est ici que commence le paradoxe du Lys rouge, — la comtesse Martin et surtout Jacques Dechartre nous sont donnés comme des êtres de choix, singulièrement conscients, et d’un esprit tout à fait supérieur.

Thérèse exprime continuellement des pensées délicates, ingénieuses et profondes, puisque ce sont les pensées mêmes de M. Anatole France. Elle a l’esprit philosophique et libre. Elle n’a aucun des préjugés de son éducation et de sa caste, se plaît à errer dans les rues populacières et emmène avec elle, en voyage, un bohème ivrogne à cache-nez rouge. Elle est fort au-dessus des « convenances ». Mais peut-être direz-