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Nous avons déjà vu quelque chose d’analogue dans le roman finement féroce de M. Paul Hervieu : Peints par eux-mêmes. Les amours de Mme de Trémeur et de Le Hinglé, ces deux parfaits mondains, ressemblaient à une histoire de cour d’assises : l’avortement, le vol, le chantage, le suicide enfermaient la trame. Les amants du Lys rouge, n’ayant point d’embarras d’argent, ne paraissent capables que de « crimes passionnels ». Mais enfin, vous voyez que les romans mondains redeviennent singulièrement brutaux, c’est-à-dire véridiques. Les héroïnes de Feuillet, même perverses, gardaient dans leurs erreurs des façons qui passaient pour « aristocratiques ». Elles avaient des suicides élégants : suicide équestre, comme celui de Julia de Trécoeur, suicide neigeux, comme celui de Charlotte d’Erra. Elles avaient des sens, nous n’en saurions douter ; plusieurs étaient même détraquées avec grâce. Mais quand elles « concluaient », nous n’en étions qu’à peine avertis. Ce par quoi elles étaient, au fond, des bêtes de joie, — et de tristesse, — nous était discrètement dérobé. Nulle part vous n’y reconnaissiez l’application sincère de ces axiomes inspirés à Bourget par le théâtre de Dumas : «… L’amour seul est demeuré irréductible, comme la mort, aux conventions humaines. Il est sauvage et libre, malgré les codes et les modes. La femme qui se déshabille pour se donner à un homme dépouille avec ses vêtements toute sa personne sociale ; elle redevient pour celui qu’elle aime ce