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drame anonyme où je l’ai résumé en commençant, peut-être hésiteriez-vous sur leur condition sociale. La chose se pourrait passer aisément entre habitués des fortifications ou des boulevards extérieurs : car les « faits-divers » nous avertissent que c’est surtout dans ce monde-là que se rencontrent encore les sombres amours et les violences effrénées des tragédies raciniennes. La femme pourrait fort bien être une fille ; le premier amant, quelque rôdeur de barrière, et le second, quelque garçon boucher. Vous vous étonneriez que celui-ci ne joue point du couteau, mais je vous prierais de considérer que l’autre tape sur sa bonne amie, et que les sentiments du trio sont admirables de simplicité et de brutalité farouche. Assurément, ce sont de purs « instinctifs ». Vous apprendriez sans nulle surprise que la femme s’appelle Titine, et l’un des homme Bibi, et l’autre la Terreur des Ternes.

Or, elle se nomme la comtesse Martin-Bellème ; elle est la fille d’un financier puissant, la bru d’un ministre du second empire, la femme d’un ministre de la troisième République. C’est une femme très élégante et très distinguée. Le premier amant se nomme Robert Le Ménil. C’est un sportsman accompli, et c’est « l’homme du monde » en soi. Le second amant, Jacques Dechartre, est un sculpteur riche qui modèle, de loin en loin, des cires et des médaillons d’un goût tourmenté et subtil. Ils sont, tous trois, non seulement « du meilleur monde », mais du plus raffiné.