Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/384

Cette page n’a pas encore été corrigée

cas, engendre aisément la haine, par la peur d’être frustré. Et ainsi (car telle est la duperie des mots) ni dans son plus faible degré, ni dans son degré le plus fort, cet amour-là n’implique « l’amour ». Il est égoïste par définition ; il est amour au même titre que la soif ou la faim.

Le Lys rouge enseigne précisément ce qu’un amour de cette sorte, étant inséparable de la jalousie, — et d’une jalousie dont l’objet est concret, délimité, visible et tangible, — contient nécessairement de haine. C’est ce qu’exprime avec force le poète Choulette, donnant en peu de mots la morale de cette histoire. « Les fautes de l’amour seront pardonnées, dit-il. Ou plutôt, on ne fait rien de mal quand on aime seulement. Mais l’amour sensuel est fait de haine, d’égoïsme et de colère autant que d’amour. Pour vous avoir trouvée belle, un soir, sur ce canapé, j’ai été assailli d’une nuée de pensées violentes. Je revenais de l’albergo… J’étais inondé d’une joie céleste que votre vue m’a fait perdre. Il faut qu’une vérité profonde soit renfermée dans la malédiction d’Ève. Car, près de vous, je suis devenu triste et mauvais. J’avais sur les lèvres de douces paroles. Elles mentaient. Je me sentais au dedans de moi-même votre adversaire et votre ennemi, je vous haïssais. En vous voyant sourire, j’ai eu envie de vous tuer. »

Mais je ne vous ai point dit encore quels sont les personnages de ce roman. Si vous ne l’aviez point lu, si vous ne le connaissiez que par le raccourci de