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comme la mort » en effet, et raconte à la fois le plus noble des drames intérieurs et l’immense tristesse de vieillir. — Notre Coeur flétrit la femme qui ne sait pas aimer ; et si l’amoureux demande des consolations à l’amour simpliste, tel qu’il était conçu dans les Soeurs Rondoli, il est clair qu’il n’y trouvera plus jamais le repos. Bref, c’est l’humanité supérieure qui fait sa rentrée dans l’œuvre de Maupassant ; et l’humanité supérieure est faite, en somme, de tout l’idéalisme du passé et de ses plus nobles rêves ; et les décrire ainsi et de ce ton, ce n’est peut-être pas y croire, mais ce n’est plus les répudier.

Ce n’est pas du Bourget. Maupassant, presque toujours, se borne à noter les signes extérieurs, — actes, gestes ou discours, — des sentiments de ses personnages, et use peu de l’analyse directe, qui a ses périls, qui quelquefois invente sa matière, et l’embrouille pour avoir le mérite et le plaisir de la débrouiller… Mais enfin vous entrevoyez peut-être combien est curieuse l’évolution d’un écrivain qui, ayant commencé par la Maison Tellier, finit par Notre Coeur. Très sommairement, son histoire est celle d’un primitif venu tard et modifié, peu à peu, par l’atmosphère morale de son temps, ressaisi par les inquiétudes spirituelles que nous ont léguées les siècles écoulés. Et sans doute aussi la peur de la mort, la peur de l’inconnu, la préoccupation atroce de la folie menaçante ont été pour quelque chose dans cette transformation…