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philosophie qu’on en pouvait dégager à la rigueur était furieusement négative. Et, parmi son nihilisme, l’auteur n’en jouissait pas moins du monde physique avec une intensité extraordinaire et avec une franchise d’ « avant le péché ». Or, chose remarquable, ce conteur si peu « moral » désarma, presque tout de suite, même les austères. Nous nous mîmes tous à parler de sa belle « santé ». Cette santé devint sa marque dans l’opinion commune. Personne ne fut plus souvent proclamé « sain » que ce jeune homme qui devait mourir fou. Et, pareillement, personne ne fut plus vite déclaré classique que cet écrivain dont les contes les plus illustres se passaient dans les couvents de La Fontaine rebaptisés de leur vrai nom.

On ne se trompait point. Maupassant offrait le singulier phénomène d’une sorte de classique primitif survenu à une époque de littérature vieillissante, décrépite et tourmentée. D’abord, nulle trace, en lui, d’éducation chrétienne. Son grand ami Flaubert l’avait « déniaisé » de bonne heure. L’esprit de Maupassant fut donc comme une table rase offerte aux impressions du monde ambiant. Sa philosophie simpliste, — à laquelle il est bien possible que les raffinés des derniers âges reviennent par le plus long, — était celle d’un jeune « Huron » de génie. Ce primitif avait reçu de la nature le don de l’expression, qu’il perfectionna, auprès de son vieux maître, par une discipline de dix années. Mais, s’il apprit à