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indéfiniment, et ces oeuvres posthumes, elles pourraient les écrire elles-mêmes. Elles les écrivent peut-être. Ces veuves « continuent le commerce du défunt », selon l’épitaphe connue.

Il y a celles dont le viril esprit fut en si intime communion avec leur illustre époux que, de très bonne foi, elles considèrent sa gloire, non comme héritée par elles, mais comme acquise en commun avec lui. Elles détiennent, elles captent, elles défendent leur mort. S’il fut de l’Académie, elles revendiquent le droit de lui choisir seules son successeur, car son fauteuil leur appartient. Elles ne savent plus bien si elles s’enflent de lui ou s’il fut grand par elles ; et, — la mode étant que les femmes d’un certain rang signent de leur nom de jeunes filles, — si leur mari s’appelait Shakspeare et si elles s’appellent Durand, elles font suivre, dans leur signature, un « Durand » énorme d’un « Shakspeare » menu et gribouillé. Cela s’est vu.

Il y a celles dont le mari fut un homme essentiellement élégant et qui eut de belles relations. Celles-là pensent l’honorer en continuant l’élégance de sa vie, en rendant publique l’élégance de leurs souvenirs ; en se conformant à l’idéal mondain exprimé dans ses livres, en se donnant l’air — piété touchante — d’être pareilles aux personnages que sa futilité affectionna. C’est d’une de celles-là, mêlée, sous son crêpe de deuil, aux divertissements de quelque villégiature aristocratique, qu’une méchante