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Et ceci, d’une si belle et courageuse sincérité, et qui me paraît aller loin dans la connaissance de notre misérable cœur :

… Évidemment cette lutte doit se terminer par le triomphe du bien ; mais elle est longue et douloureuse en raison du mal qu’on a commis : car on n’a pas fait une faute, si odieuse soit-elle, qu’on ne désire la faire encore, et faire pis. Chaque vice de la vie passée laisse au cœur une racine immonde, qu’il faut en arracher avec des tenailles ardentes. Cela semble une chose épouvantable d’être tenu à une vie honnête et réglée par le grand devoir divin.

Et cependant, il se sent une force qu’il n’avait pas auparavant :

… Ces actes, ces fautes, ces plaisirs, pour lesquels on avait du mépris, on s’y laissait entraîner : maintenant qu’ils inspirent un attrait horrible, qu’ils vous donnent une soif d’enfer, vous n’y cédez pas. C’est la récompense : elle est lente, elle est rare, elle est maudite parfois lorsqu’elle vient ; mais elle vient.

Ce trouble, ces « tentations hideuses », je ne jurerais pas que Veuillot en fût jamais complètement affranchi. Jusqu’au bout, il aura, çà et là, des aveux sur sa misère intime, pour lesquels nous l’aimerons peut-être plus encore que pour ses généreuses et éblouissantes colères. Cet homme fut d’une étrange franchise et, contre l’opinion commune, doux et humble de cœur.

Il triompha du moins assez vite de ces premiers assauts, plus redoutables, qui suivirent immédia-