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Batignolles, dont une bonne fille garde les pattes pour sa mère.

On put croire d’abord que le jeune poète parnassien n’avait vu dans ces récits qu’un exercice amusant et difficile de versification, quelque chose comme le plaisir d’écrire en français des vers latins (si j’ose cette catachrèse) sur des sujets réfractaires à la poésie. Mais M. Coppée a recommencé si souvent ; il y est revenu avec une si évidente complaisance qu’il faut bien qu’il y ait mis son cœur et qu’il ait trouvé, dans ces peintures en vers de la vie, des mœurs, des souffrances et des mérites des « humbles », — et non point des « humbles » pittoresques : bergers, pêcheurs, vagabonds, gueux de Richepin, mais des « humbles » incolores : épiciers, employés, vieilles filles, — une autre douceur, plus intime, plus humaine, que celle d’accomplir des séries de tours de force. — En somme, Coppée, dans ses Humbles, a presque créé un genre ; il a presque réalisé un rêve de Sainte-Beuve.

Toutefois il se pourrait qu’en dépit du rêve de Sainte-Beuve ce genre restât un peu hybride et douteux. C’est dans ses récits en prose non rimée que je goûte avec le plus de sécurité la sensibilité vive et franche de M. François Coppée. On a dit (et ce n’est d’ailleurs qu’à moitié vrai) que le réalisme de la plupart de nos romanciers était dur, hautain, méprisant ; que rien n’égalait le soin avec lequel ils peignent les existences humbles ou médiocres, sinon