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écrase, il nous avertit qu’il nous ménage. « Et, si je le voulais à ce propos, j’ajouterais, etc… » Derrière ses béliers, il a toujours des catapultes en réserve.

Il donne l’impression d’une vitalité intellectuelle et physique extraordinaire, presque maladive (avez-vous assisté à ses cours ?) et, en y regardant de plus près, d’une immense tristesse. Nulle grâce ; jamais de sourire ni d’abandon ; point d’esprit, sinon à coups de massue. Mais cela ne serait rien. Lui-même a confessé à maintes reprises un pessimisme si radical et si âcre qu’on sent bien que son amour de l’action et son grand courage le défendent seuls du nihilisme pur. Il est sans doute l’homme qui, moitié par respect de ce qu’ont fait et pensé les pauvres hommes disparus, moitié par un souci d’utilité publique, a déployé le plus de vigueur pour défendre des principes et des institutions auxquels il ne croyait pas.

De tout cela, mélancolie foncière, pessimisme absolu, travail effréné, activité fébrile qui semble avoir peur du repos et vouloir tromper la vie, refus de sourire, retranchement ascétique de tout épicuréisme intellectuel, je conclus naturellement à une excessive sensibilité, et d’autant plus violente qu’elle est publiquement plus comprimée, — à une extrême capacité de désir et de souffrance… Et cela est très singulier, à cause de la forme qui n’est pas précisément, ici, celle d’un Musset ou d’un Byron.

… On a dû voir parfois, dans quelque couvent du