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souvent pour en prendre le contre-pied. L’ensemble de son œuvre ne serait pas mal intitulé : « Suite de paradoxes sur la littérature française. »

Ce prétendu « immuable » s’est d’ailleurs beaucoup modifié en vingt ans. Ou, si vous préférez, je crois le comprendre mieux que je ne faisais jadis.

Ce critique est surtout un historien et un dialecticien.

Il a, au plus haut point, le sentiment de l’histoire. Pour lui, juger un livre, ce n’est nullement analyser l’impression plus ou moins voluptueuse qu’il en a reçue ; mais c’est, essentiellement, le « situer » dans une série. On connaît son mot : « Je ne loue jamais ce qui m’amuse ». Son objet est de fixer la valeur des œuvres par rapport, non à lui-même, mais à toute la littérature. Dans le moindre de ses jugements il tient compte d’une chose considérable en effet : le jugement exprimé ou supposé des morts, qui sont plus nombreux que les vivants.

Non, certes, pour s’y conformer aveuglément. Cet historien est artiste en dialectique. Même, il s’y complaît, et c’est la seule espèce de volupté à laquelle il soit publiquement accessible. Entre les ouvrages écrits, envisagés comme des faits dont il faut chercher la loi de succession, la grande joie de M. Brunetière est d’établir des « liaisons » inaperçues et surprenantes.

Sa logique est toujours imaginative. Comme Taine a théorie du milieu, du moment et de la faculté