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trariétés de l’œuvre de Taine et les contrastes qu’on devine dans son caractère et dans son esprit.

Ce logicien est un poète. Cet abstracteur a le style le plus concret qu’on puisse voir. Aucun écrivain ne s’est plus continûment exprimé par des métaphores, ni plus colorées, ni développées avec plus de minutie, ni plus exactes dans le dernier détail. Cela va communément jusqu’au symbole et à la parabole. Et ainsi l’on craint que, la justesse surprenante des images emportant pour lui la vérité du fond, ce positiviste si défiant ne se soit laissé quelquefois tromper par les mots.

Cet homme d’imagination violente et charnelle (vous vous rappelez ses études sur la Renaissance et sur la peinture flamande) a eu la vie d’un ascète et d’un bénédictin. Ce grand apôtre de l’observation directe a vécu très retiré, a peu communiqué, je crois, avec les hommes d’une autre classe que la sienne ; et ce grand amasseur de faits les a surtout cherchés dans les livres.

Ce déterministe, qui regarde l’histoire comme un développement de faits inéluctables et qui a souvent goûté en artiste les manifestations de la force, s’est troublé, s’est fondu en compassion, dès qu’il a vu le sang et la souffrance d’un peu près. Il eût été indulgent à Sylla et à César : Robespierre et Napoléon l’ont trouvé inexorable.

Cet ennemi de l’esprit classique a, dans son besoin d’unité, soumis le réel aux simplifications et aux