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d’une réalité plus étendue, et de toute la réalité, c’est elle que nous accommodons à notre esprit ; c’est notre esprit qui complète les faits, et qui les pétrit, et qui suppose entre eux des relations afin de justifier des lois. Toute philosophie est poésie.

Et c’est pourquoi nul n’a fait, plus souvent que Taine, autre chose que ce qu’il croyait faire ; nul n’a plus senti et imaginé, alors qu’il croyait uniquement percevoir, observer et classer.

La théorie qui est censée former le support de l’Histoire de la littérature anglaise ne rend bien compte que des individus médiocres ; elle n’éclaircit par conséquent que ce qui nous intéresse le moins. Elle n’explique guère les grands écrivains. Tandis que Taine se travaille à voir en eux les produits du moment, du milieu et de la race ; il nous les montre surtout comme des producteurs d’une certaine espèce de beauté où nous ne saurons jamais au juste ce qui revient à la race, au milieu et au moment. L’Histoire de la littérature anglaise est un livre splendide ; mais le meilleur en subsisterait, la théorie ôtée ou réduite à d’assez modestes truismes.

Pareillement, « la faculté maîtresse » explique tout dans l’œuvre d’un artiste, excepté la beauté. La « faculté maîtresse » peut, en effet, se rencontrer aussi bien chez un galfâtre que chez un homme de génie.

En histoire aussi, Taine est souvent dupe. Sa conception déterministe donne inévitablement des résul-