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falot ; que certaines âmes n’ont pas d’ailes, ni même de pieds pour la consistance, ni de mains pour les œuvres ; que l’esprit est l’atmosphère de l’âme, qu’il est un feu, dont la pensée est la flamme ; que l’imagination est l’oeil de l’âme. Plus loin, je vois que l’esprit, qui tout à l’heure était une atmosphère et une flamme, est un champ, puis un métal ; qu’il peut être creux et sonore, ou bien que sa solidité peut être plane, si bien que la pensée y produit l’effet d’un coup de marteau ; puis, qu’il ressemble à un miroir concave, ou convexe ; qu’il y fait froid, qu’il y fait chaud ; que la pudeur est un réseau, un velours, un cocon, etc., etc.

Sentez-vous la revanche de la nature ? Voilà, pour un contempteur de la matière, une imagination bien matérielle. Tous ces renchéris n’en font jamais d’autre.

Avec cela, Joubert est très « particulier ». Ses subtilités quintessenciées, son épicuréisme virginal et ce que j’appelle son « angélisme » peuvent nous communiquer encore, çà et là, d’assez doux petits frissons d’âme. Par mille affectations mystérieuses, par son mauvais goût travaillé et délicieux, il reste proche de nous. Ce sensitif pudique est un des plus distingués parmi ces artistes joliment maniaques qui sont comme en marge des littératures…

Je dois seulement confesser que Joubert exprime ou indique toujours les deux termes de ses comparaisons : c’est, entre autres choses, ce qui le dis-