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Il se maria sur le tard, et son mariage aussi fut d’un idéaliste. Il épousa, par admiration, une vieille fille très pieuse, très malheureuse, très dévouée, consommée en mérites. Imaginez, — et ce sera très juste en dépit de la chronologie, — qu’il épousa l’âme d’Eugénie de Guérin.

Joubert fut grand frôleur d’âmes féminines. Il lia, avec Mmes de Beaumont, de Guitaut, de Lévis, de Duras, de Vintimille, de ces commerces tendres et purs, plus caressants que l’amitié, plus calmes que l’amour. Il fut le Doudan alangui de deux ou trois petits salons aristocratiques qui se formèrent à Paris au commencement de l’Empire et où régnèrent, avec l’ancienne politesse, la religiosité la plus élégante. On y aimait, avec mille grâces, Dieu et Chateaubriand.

Souvent malade, Joubert aimait presque à l’être : il sentait que la maladie lui faisait l’âme plus subtile. Il avait des raffinements à la des Esseintes (supposez un des Esseintes sans perversité). Il déchirait, dans les livres du dix-huitième siècle, les pages qui l’offensaient et n’en gardait que les pages innocentes dans leurs reliures à peu près vidées. Il « adorait » les parfums, les fruits et les fleurs. Il avait des façons à lui de voir et de recommander la religion catholique : « Les cérémonies du catholicisme, écrit-il, plient à la politesse. »

Il ne tenait pas énormément à la vérité : il y préférait la beauté ; ou plutôt il les confondait avec une