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tout le bonheur ou, si cela ne se peut ainsi, tout le malheur de ce qu’on aime. ») et les plus délicates (« Être avec les gens qu’on aime, cela suffit ; rêver, parler, ne leur parler point, penser à eux, penser à des choses plus indifférentes, mais auprès d’eux, tout est égal. ») — Il a senti et aimé la nature infiniment plus qu’il n’était ordinaire en son temps. Dans le chapitre de la Ville, il plaint les citadins qui « ignorent la nature, ses commencements, ses progrès, ses dons et ses largesses… Il n’y a si vil praticien qui, au fond de son étude sombre et enfumée… ne se préfère au laboureur qui jouit du ciel… » Tout ce que développeront un jour Rousseau, Bernardin, Chateaubriand et Sand n’est-il pas enclos dans ces deux brèves et charmantes pensées : « Il y a des lieux qu’on admire ; il y en a d’autres qui touchent et où l’on aimerait à vivre. — Il me semble que l’on dépend des lieux pour l’esprit, l’humeur, la passion, le goût et les sentiments. »

L’auteur des Caractères était essentiellement de ces esprits ouverts, « vacants » et inquiets, révoltés contre le présent, ce qui donne une bonne posture dans l’avenir ; de ces âmes qui sentent beaucoup et pressentent plus encore, par un désir de rester en communion avec les hommes qui viendront, et par une sympathie anticipée pour les formes futures de la pensée et de la vie humaine.

Je le tiens pour l’homme le plus « intelligent » du dix-septième siècle. Il est de tous les écri-