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d’une région… » etc., et « L’on voit certains animaux farouches… » etc.), et sur la guerre (« Petits hommes, hauts de six pieds… » etc.). Le plus noir pessimisme est répandu dans le chapitre de l’Homme. Personne, enfin, n’a mieux vu la vanité du décor politique, social et religieux de son temps, et n’a entendu plus de craquements dans le vieil édifice. Trois grands faits dominent dans ses peintures éparses : l’avènement de l’argent, le déclin moral de la noblesse, le discrédit jeté sur le clergé et sur l’Église par la « fausse dévotion ». Les Caractères annoncent les Lettres persanes, qui annoncent tout.

Chrétien, certes La Bruyère l’était, quoique le chapitre postiche des Esprits-Forts ait bien l’air d’une précaution pour faire passer le reste. Car, s’il y avait des choses qu’on était tenu de taire, il y en avait d’autres qu’on était tenu de dire. Notez pourtant que le spiritualisme de ce chapitre a un caractère tout laïque et sent — déjà — la philosophie universitaire selon Cousin et Jouffroy.

Une autre plaie de La Bruyère, une seconde source d’amertume, ce fut l’humilité de la condition des écrivains qui n’étaient qu’écrivains. Comme il a senti toute leur dignité, il a conçu tout leur devoir. Il a, je crois, prévu l’homme de lettres du siècle suivant, ouvrier des idées généreuses, homme vraiment public. Il a eu d’avance l’esprit si sociable et si humain, à travers toutes leurs faiblesses, des philosophes du dix-huitième siècle. (« Venez dans