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garçon mécontent des femmes et un littérateur mécontent de la société.

Il fait constamment l’effet d’un réfractaire qui se retient, qui en pense plus qu’il n’en dit. (« Un homme né chrétien et Français se trouve contraint dans la satire ; les grands sujets lui sont défendus… ») Il semble d’ailleurs avoir aménagé sa vie et composé son attitude pour pouvoir, penser, à part soi, le plus librement possible. Il demeure célibataire avec préméditation, pour circuler plus aisément, pour éviter d’être classé, d’être parqué dans son rang. Précepteur du petit-fils du grand Condé, hôte d’une famille de fauves, il y échappe aux familiarités humiliantes et meurtrières (vous savez la fin de Santeuil) à force de réserve et de respect exact et froid. (Voir les dix-sept lettres à Condé.)

Pourquoi resta-t-il là ? C’est que c’était un poste d’observation admirable. Mais on ne saurait douter qu’il n’ait cruellement souffert de sa situation subalterne et des prudences qu’elle lui imposait. Ce fut là une de ses plaies vives.

Il a la haine des grands, qu’il connaissait trop, et, déjà, l’amour du peuple. Nul n’a été plus implacable ni contre la noblesse, ni contre la finance. Vingt passages de son livre ont l’accent le plus radicalement révolutionnaire. La colère bouillonne sous son ironie âpre et méthodique à la façon de Swift. Relisez les pages sur les deux extrémités du vieil ordre social, le peuple et la cour (« L’on parle