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réflexions prudentes. C’est bien d’avoir été fidèle à Fouquet ; mais pas un moment cette chrétienne ne paraît se figurer dans sa réalité le cas moral de cet homme de finances. Elle suit en tout les goûts et les opinions des gens de son monde, ou de sa coterie, ou de son âge. Comme eux, elle en reste à La Calprenède ; elle est pour Corneille contre Racine. Elle ne voit rien au-dessus de Nicole. Elle va « en Bourdaloue » parce qu’elle le goûte, mais aussi parce qu’on y va. Elle ne juge jamais le roi, même un peu, etc.

Mais elle exprime des idées et des sentiments communs avec une vivacité et une fougue tout à fait surprenantes. On pressent une énergie de tempérament qui n’a pu se dépenser ailleurs. Et c’est par là que la vie de Mme  de Sévigné est curieuse, — plus peut-être que ses écritures.

Cette blonde réjouie, expansive, drue, d’un sang passionné (vous vous rappelez la sombre ardeur de son aïeule Chantal, enjambant le corps d’un fils pour entrer au cloître), cette femme trop bien portante, veuve à vingt-six ans et qui demeura évidemment honnête, eut pour exutoires ses lettres — et Mme  de Grignan.

Deux particularités firent que son amour maternel devint vraiment l’occupation de toute sa vie : elle n’était pas aimée de sa fille, — et elle ne la voyait presque jamais. Et ainsi, d’une part, la peur de lui déplaire et la nécessité continuelle de la conquérir tenaient son amour en haleine ; et, d’autre part, les