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fait songer à ces maigres figures des vitraux gothiques, dont les lignes sont sèches et la couleur suave, et qui baignent leurs contours rigides dans une belle lumière mystérieuse.

Sa doctrine, c’est le renoncement complet à tout sentiment naturel, même à ceux qui passent pour nobles et généreux, aux affections terrestres, à la science, aux ambitions intellectuelles, bref, à tout ce qui ne sert pas au « salut ». Il a, et en quantité, des maximes horribles, par exemple : « Ne désirez pas faire l’occupation du cœur d’un autre et vous-même ne vous occupez pas de l’amour que vous avez pour lui. » Rien de plus âpre que ses conseils de détachement, mais rien de plus amoureux que ses entretiens avec Jésus.

Or celui qui aime ainsi Dieu aime les hommes. Qu’importe que cet amour ne s’arrête pas à nous, et que ce soit de Dieu qu’il redescende ensuite sur nous ? Platon avait déjà dit, comme l’auteur de l’Imitation, ou à peu près, que « l’amour tend toujours en haut, parce que l’amour est né de Dieu et qu’il ne peut trouver de repos qu’en Dieu ». Relisez dans le Banquet l’histoire de cette perpétuelle et nécessaire ascension de l’amour, qui toujours dépasse les êtres finis pour monter plus haut, soit à un Dieu personnel, soit à ce qu’on a appelé, faute d’autres mots, la « catégorie de l’Idéal ». Nous aimons toujours, en quelque sorte, au delà de ceux que nous aimons. Il avait bien un cœur d’homme, un doux