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III

Comment cela se fit-il ?

Dans toute conversion, il y a quelque chose qui nous échappe et qu’il faut bien appeler, comme le font les convertis eux-mêmes, « l’action de la grâce ». Tenons-nous en aux causes apparentes et aux caractères particuliers de la conversion de Louis Veuillot.

Je remarque d’abord qu’elle sortit d’une angoisse morale plutôt qu’intellectuelle, qu’elle n’eut rien de « métaphysique », qu’elle n’est nullement de la même espèce que la conversion (à rebours) d’un Jouffroy ou que la conversion (relative) d’un Pascal. Veuillot n’avait point le cerveau philosophique. C’était un pur sentimental. Il dit dans sa correspondance : «… Quant à moi, j’ai le bonheur d’être complètement inepte en philosophie, et je ne lis rien de tout ce qui se présente sous cette forme. »

Cette conversion ne fut non plus ni soudaine ni tragique. Veuillot n’eut pas, à proprement parler, sa « nuit ». L’illumination qu’il eut à Rome ne fut que l’achèvement d’un travail secret de plusieurs années.

Il avait un grand besoin de certitude. La profession de spectateur amusé n’était point son fait. Il éprouva de bonne heure, de façon aiguë et per-