de l’océan dans un coquillage, ou le ciel dans une goutte d’eau.
Or, le magnus seclorum nascitur ordo n’est qu’un des traits gentiment hyperboliques d’une pièce de circonstance, d’un « compliment » de bienvenue au nouveau-né d’un riche protecteur, Asinius Pollio. Les « larmes des choses », faut-il le rappeler ? sont un contresens radical. Lorsque Énée, voyant à Carthage, dans le temple de Junon, des peintures qui représentent le siège de Troie, fait cette remarque : Sunt lacrymæ rerum…, cela signifie simplement, comme vous savez : « Notre triste renommée est donc parvenue jusqu’en ce pays ! Nos malheurs y obtiennent des larmes, et l’on y plaint la destinée humaine. » Et, enfin, le mot profond : « On se lasse de tout, sauf de comprendre », n’est point dans l’oeuvre même de Virgile, mais lui est seulement attribué par le commentateur Servius.
D’où il suit que la part la plus vivante de sa gloire est fondée sur un faux-sens, sur un contresens et sur une tradition incertaine.
Je me hâte d’ajouter que Virgile mérite cette étrange fortune, et que jamais erreur ne fut plus intelligente que celle dont bénéficie un tel poète. Car toute son œuvre donne, au plus haut point, l’idée d’un grand esprit et, à la fois, d’une âme mélancolique et tendre.
Des images gracieuses, fortes ou tragiques, se lèvent de ses poèmes et restent dans nos mémoires