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  C’est que, rêvant déjà ce qu’à présent on sait,
  Il chantait presque à l’heure où Jésus vagissait…
  Dieu voulait qu’avant tout, rayon du Fils de l’homme,
  L’aube de Bethléem blanchît le front de Rome.

C’est ensuite l’inévitable : Sunt lacrymæ rerum. Depuis les romantiques, on traduit bravement : « Les choses elles-mêmes ont des larmes. » Ou bien, en style de Hugo : « Les larmes des choses, cela existe. » Et l’on rapproche cet hémistiche du vers de Lamartine :

 Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?…

et l’on affirme, avec une apparence de raison, que toute la poésie du dix-neuvième siècle est en germe dans ces trois mots du pieux Énée.

Enfin, Virgile a dit : « On se lasse de tout, excepté de comprendre ». Parole admirable, digne de Sainte-Beuve ou de Renan, et qui semble la propre devise du dilettantisme, ou même de la philosophie. Virgile n’ignorait d’ailleurs aucune des grandes théories de son temps, qui sont encore sensiblement celles du nôtre. Le vieil Anchise parle en bon panthéiste au sixième livre de l’Énéide, et Silène, dans la sixième églogue, paraît pénétré de la doctrine de l’évolution.

Ainsi, le christianisme, et toute la poésie, et toute la sagesse, tiennent dans quelques mots virgiliens, comme un champ de roses dans un flacon, le bruit