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eût fait de la prison autant qu’aucun autre. Il eût composé de merveilleux évangiles de l’avenir tout bouillonnants de la plus redoutable éloquence et pénétrés de la plus tendre poésie. On le citerait aujourd’hui avec les Leroux, les Proudhon, les Lamennais, et il serait le plus grand écrivain de la révolution sociale.

Ou bien, simplement, les tourments sacrés de sa jeunesse se seraient peu à peu apaisés. Et alors il eût été un honnête homme suivant le monde, un vague libéral résigné à un ordre social où sa place n’eût point été mauvaise. Il n’eût été, enfin, qu’un littérateur de premier ordre. Il eût pu donner encore plus largement carrière à son esprit d’ironie et de dérision, car il eût eu moins de choses à respecter ; il eût écrit d’excellents romans satiriques et réalistes ; il eût, fort aisément, mis Edmond About et quelques autres dans sa poche ; il aurait été académicien ; il aurait mené une vie commode ; il n’aurait eu, en fait d’ennemis, que sa portion congrue ; tout le monde saurait aujourd’hui qu’il fut un des maîtres de la langue ; il commencerait à entrer dans les anthologies qu’on fait pour les lycées, et une rue de Paris porterait son nom.

Mais l’inquiétude du petit journaliste ne s’apaisa pas, et il ne rencontra point l’apôtre qui l’eût pu conquérir à l’armée de la révolte. Il alla à Rome, et il s’y convertit.