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Une des idées qui dominent les romans de Georges Eliot, c’est l’idée de la responsabilité, entendue avec la plus pénétrante rigueur ; l’idée qu’il n’y a pas d’action indifférente ou inoffensive, pas une qui n’ait des suites et des retentissements à l’infini, soit en dehors de nous, soit en nous, et qu’ainsi l’on est toujours plus responsable, ou responsable de plus de choses, qu’on ne croit. La conséquence, c’est une surveillance morale de tous les instants exercée par les personnages sur eux-mêmes, ou par l’auteur sur ses personnages. La plupart ont la notion du péché, une vie intérieure au moins aussi développée que leur vie de relations sociales. Ils font de fréquents examens de conscience ; ils se repentent, ils deviennent meilleurs. Il est clair que tout cela est plus rare dans nos romans, sans doute parce que c’est plus rare aussi dans nos mœurs. J’ai remarqué que les héros de George Sand ne se repentent presque jamais. Si Mauprat progresse dans le bien, c’est en vertu de son amour pour Edmée, non par la recherche de ses péchés. D’autres accueillent la leçon des événements, s’améliorent par l’expérience. Les personnages supérieurs, chez Sand et Hugo, songent plus au bonheur de l’humanité qu’à leur propre perfectionnement moral. Ce sont gens pressés, qui commencent par la fin, j’y consens. Leur évangile est toujours un peu l’évangile de la Révolution.

Les « humbles » et les « misérables » sympathiques